Je ne savais pas où me conduirait cette mise à l’arrêt.

Peut-on avancer quand on n’a plus ni direction, ni boussole, ni carburant ? Navigation dans le brouillard entre peur et désir, doute et confiance, espoir et désespoir, illusion et certitude … Près de 3 ans de traversée avant de reprendre fermement pied.

L’art-thérapie, rencontrée « par hasard » lors du premier confinement de 2020, m’a aidée à récupérer des forces.

Après des années pendant lesquelles je m’étais maltraitée, beaucoup, passionnément, à la folie … j’avais besoin de médecines douces, celles qui se passent de mots, qui opèrent par un retour au sensible, celles qui prennent aussi soin du corps.

C’est ce qu’il me fallait. Impossible d’atteindre le moindre lâcher-prise, piégée par les mots, les injonctions, les interprétations.

Une longue plainte tournant en spirale dans mon mental hyperactif.

En acceptant de me faire aider, je me suis aidée à prendre soin de moi. J’ai récupéré mon énergie vitale, rallumé mon moteur.

Par la joie de dessiner, écrire, peindre, sans dons ni cours particuliers. J’en reste émerveillée que ces productions aient jaillies de moi. 

Moi, dont le cœur s’était fermé, dont les dents s’étaient serrées, dont les sens s’étaient anesthésiés. Pour surtout ne pas entendre le corps qui souffre, la vie qui passe à côté, les rires qui s’effacent en de vagues souvenirs, d’une autre époque, d’avant la robotisation au service d’une course vaine.

Grâce à ces béquilles, j’ai pu entreprendre une formation à la médiation artistique en relation d’aide, pour « outiller » ma reconversion professionnelle. J’ai retrouvé l’attraction qui jeune, m’avait guidée vers la psychologie, sans toutefois exercer le métier du soin malgré mon diplôme. En créant, en travaillant sur la forme, je me suis réparée moi-même, je me suis recréée.

Ce que j’ai découvert sur ce chemin d’expériences, c’est que nous sommes tous capables de créer, de nous révéler.

De nous relever, avec nos capacités, ressources et rythmes propres. Avec l’aide de professionnels dont le rôle est de faciliter le travail sur soi et de soutenir le processus de transformation. Et en veillant, toujours, à conserver notre libre-arbitre.

Sortir en douceur de l’inertie auto-destructrice qui met à l’arrêt, absents à nous-mêmes, honteux de montrer sa vulnérabilité, indifférents aux autres mais dépendants de leur regard, isolés, repliés, paralysés par le sentiment d’être jugés.

Accepter de sortir de la course, de stopper le « je(u) ». Peu à peu, transformer les épreuves en nouvelles forces, reprendre le pouvoir créateur dans sa vie et retrouver le monde (du travail) avec confiance.

Je sais aujourd’hui qu’en ayant vécu cette traversée, ce que j’ai acquis bénéficiera favorablement à la suite de mon itinéraire, quel que soit ce que la vie me réserve. « Chemins de Traverse – Créer pour se réparer soi-même », mon projet devenu activité libérale, est né de cet élan. C’est ma contribution de colibri à la préservation de la personne humaine au travail.

Vous tendre la main pour faciliter votre remise en mouvement, vous soutenir pour sortir de la peur, de la stupeur, vous aider à (les) traverser. Pour continuer le chemin unique qui est le vôtre. Isabelle Goyard-Terzian